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L'histoire du Sabot.




Carte01

Ce hameau trouverait son origine dans le mot saboiam, forme ancienne de Savoie et survivance de l’occupation savoyarde de notre région.

Selon une autre hypothèse, ce nom désignerait les terres argileuses.

A partir des années 1920 commença à se poser le problème du hameau du sabot alors rattaché à la commune de Charnècles.

Bien que charnèclois, la quarantaine d’habitants du sabot vivait en fait du côté de Vourey : ils y allaient à la messe, leurs enfants y allaient à l’école et ils y étaient enterrés.

Les communications des habitants du sabot avec leur commune administrative était difficile en raison de l’éloignement de Charnècles et du mauvais état de la route qui traversait les terreaux.

De plus la commune assurait l’entretien des chemins et l’alimentation en eau de ce hameau.

Cette situation conduisit à une pétition des habitants du sabot, le 10 mars 1926, demandant leur rattachement à Vourey.

Dès le mois de juin, les deux municipalités se concertèrent pour décider du sort à réserver à cette demande.

Les transactions furent longues pour déterminer les limites du territoire à céder.

L’indécision aboutit à un arrêté du Préfet en date du 18 octobre 1927 convoquant pour le 6 novembre les électeurs du hameau du sabot à la mairie de Charnècles pour désigner une commission syndicale qui donnera son avis sur le rattachement à Vourey.

Le 9 décembre 1927, la commission syndicale donna son avis et celui-ci fut entériné sans observation par la municipalité de Charnècles.

Le dossier, alors transmis au conseil général, traîna quelque peu, butant sur des questions de délimitation des terrains.

L’avis favorable du conseil général est rendu le 6 septembre 1929.

On aboutit finalement à la décision du rattachement du hameau du sabot par décret du Président de la République en date du 6 janvier 1931.



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La légende du chemin du Petit Bon Dieu 





L’homme qui descendait lentement le chemin du petit bon dieu en cette fin d’automne 1488, était vêtu d’une simple robe de bure et de sandales de cuir usé.

Ses mains, anormalement épaisses, étaient cachées sous des gants, qui jadis devaient être blancs.

La pluie ruisselait sur son visage boursouflé ou l’on pouvait encore distinguer le gris acier de ses yeux. Il avait de la peine à respirer, mais il savait que son seul salut était peut être au bout de ce chemin boueux, qui descendait vers le ruisseau Dolon.

Il savait également qu’il aurait dû signaler sa présence tout au long de son parcours, le long des rues et chemins du bourg, en agitant la cloche ou les cliquettes1 fixées à sa ceinture de lin, mais il n’en avait plus la force.

Quiconque le croiserait en cette nuit blafarde de fin novembre ne pourrait reconnaitre, derrière ce visage déformé, l’un des commerçants les plus prospères de la bonne ville de Grenoble, qu’il était quelques années plus tôt.

A cette époque, le commerce de lingerie fine, qu’il tenait place aux herbes était connu et fréquenté par la plus haute société de cette cité du Dauphiné.

Les tissus des Indes les plus délicats et les plus riches se trouvaient alors en son échoppe.

Il était respecté, argenté, et côtoyait les plus nobles.

Antoine Tête, que l’on appelait autrefois, Maistre Tête, constituait le fleuron et la fierté de l’ancienne cité des Allobroges.

Ce n’était plus aujourd’hui qu’un être aux traits informes, affligé de la pire plaie du Moyen-âge : la lèpre.

Il avait vu son épouse, Adémar, périr en juin 1486 de cette maladie. Il l’avait veillée jour et nuit sur son lit de douleur, jusqu’à son dernier souffle.

Depuis, il avait vu apparaître les mêmes signes insidieux, qui envahissaient son corps jour après jour. Certes, dès les premiers symptômes il avait réussi à cacher les stigmates de cette "honteuse" maladie par des onguents et crèmes achetés à prix d’or, mais inexorablement, le mal continuait à ronger ses chairs.

Tous ses clients, amis, et connaissances se mirent à le fuir.

Tous le repoussaient avec dégoût.

Il était devenu le paria, l’exclu, au sein même de la cité qui l’avait encensé et lui avait offert richesse et gloire.

Malgré sa peau meurtrie, son esprit fonctionnait encore fort bien et sa mémoire demeurait intacte.

Tout en marchant, les souvenirs surgissaient.

De bien tristes souvenirs…

La mise en terre de sa chère épouse tout d’abord.

Le rang et la fortune de Maistre Tête lui avait permis de la soigner, cachée en sa demeure, alors que ses frères d’infortune étaient chassés de la ville.

A son décès, il avait réussi, en faisant jouer ses innombrables relations, à lui offrir son dernier sommeil au sein de l’église Saint-André proche de chez eux, au pied de l’autel où elle avait tant prié.

Très rapidement après le départ de sa tendre épouse, la maladie, inexorablement, fit en ses propres chairs son cruel office, et bientôt il ne put plus cacher les stigmates qui déformaient son corps.

Dénoncé par ses anciens amis, et bien que restant reclus dans son hôtel particulier, il fut mandé au tribunal de Grenoble et soumis, par l’ordre d’un magistrat, à l’examen d’un médecin assermenté.

Il fut reconnu "ladre" et on le condamna à être exclu de la maison qu’il habitait et relégué dans une léproserie. Cette sentence fut lue solennellement au prône de l’église Saint‐André et exécutée le dimanche suivant, selon le cérémonial fixé par l’Eglise de Vienne.

Ainsi, ce jour-là, Maistre Tête fut conduit en procession par le clergé, de sa maison jusqu’à l’église Saint-André, où il lui fut permis d’entrer une dernière fois.

Assis tout seul au milieu de la nef vide, il entendit la messe. Une fois l’office terminé le prêtre s’approcha de lui et, pour le réconforter, lui adressa une brève allocution :

"Mon ami, il plaist à nostre Seigneur que tu soyes infect de ceste maladie et te fait Nostre Seigneur une Grant grace quant il te veut punir des maux que tu as fait en ce monde. Pourquoy, aies patience en ta maladie ; car Nostre Seigneur, pour ta maladie ne te desprise point, ne te separe pas de sa compagnie ; mais si tu as patience, tu seras sauvé comme fut le ladre qui mourut devant l’ostel du mauvais riche et fut porté tout droit en paradis".

Puis le prêtre bénit le vêtement qui lui était destiné en tant que lépreux et dont la forme et la couleur spéciales devaient le désigner dorénavant à l’attention publique.

Le prêtre revêtit le malheureux Antoine Tête en prononçant les paroles suivantes : "Vois‐tu icy la robe que l’Église te baille en toy deffendant que jamais tu ne portes robe d’autre façon, afin que chacun puisse recoignoistre que tu es infect de ceste, et que l’on te donne plus tost l’Aumosne pour l’amour de Nostre Seigneur".

Le prêtre bénit ensuite les gants et les remit au malheureux en disant : "Vois-tu icy des gants que l’Église te baille, en toy deffendant que, quant tu iras par les voyes, tu ne touches à main nue auculne chose".

Enfin, il bénit les cliquettes que l'Eglise ap-pelait les langues de bois du ladre.

En les lui donnant, le prêtre dit : "Vois‐tu icy la langue que l'Église te baille, en toy deffendant que tu demandes jamais l’aulmosne sinon à cet instrument et aussy te défend l’Église que jamais tu ne parles à personne si l’on te fait parler".

Après ces pieuses exhortations, Antoine Tête fut conduit par le prêtre hors de l’église Saint-André, jusqu’au parvis, pré-­‐ cédé de la croix.

En traversant la foule qui se trouvait sur la place jouxtant l’église Saint-André, il aperçut son plus jeune apprenti, Jean Chanin, qui le suivait du regard en pleurant.

Ce dernier s’approcha de lui et lui déclara d'une voix étouffée par l'émotion : "Mon bon Maistre, par pitié et au nom de Nostre Seigneur, allez à la maladrerie Marie-Magdeleine de Dolon car son eau fait des miracles."

Antoine Tête lui adressa un sourire résigné et continua à traverser la place d’un pas lent.

Il savait que son long chemin de souffrance ne faisait que débuter !

En Dauphiné, les maladreries ou léproseries, jalonnaient en effet les grandes routes de deux lieues en deux lieues.

Sur son chemin d’infortune, Antoine Tête en avait croisé un bon nombre.

Mais les dernières paroles de son jeune apprenti résonnaient encore dans sa mémoire. Son seul salut était sans doute le ruisseau Dolon et sa maladrerie.

Ce ruisseau Dolon, il le savait, prenait sa source dans le village de Saint-Cassien où il portait alors le nom de Capadière.

Ensuite, ce petit ruisseau au caractère fort changeant, séparait les villages de Moirans et de Charnècles.

Empruntant le vallon très encaissé du "Bois du Ri", il laissait seulement la place à un chemin de chars lequel conduisait de Manguely au hameau du "Sabot" du bourg de Vourey.

Enfin, après la traversée de Vourey, il se jetait dans la Fure, non loin du confluent de cette rivière avec l’Isère.

Il avait également entendu parler de cette fameuse chapelle de la léproserie Marie- Magdeleine de Dolon et de sa "Fontaine aux lépreux".

Les eaux de ce ruisseau, par la sainteté du lieu, faisaient, paraît-il, des merveilles et l’on parlait de guérisons…

Depuis quelques années, les lépreux qui avaient la chance de découvrir cette maladrerie, allaient se tremper dans les eaux du ruisseau Dolon.

Un de ses anciens amis lui en avait même précisé le lieu : l’endroit où le lit du Ri était le plus encaissé, à l’entrée du bois de Manguely.

En principe, les lépreux ne devaient pas quitter leur retraite dans laquelle était pratiquée une loge d'où ils pouvaient, à l’aide des cliquettes, implorer la charité des passants. Mais cette règle était dérogée en l’hôpital de Dolon.

De larges adoucissements, en effet, permettaient aux malades de se baigner dans l’eau bienfaisante du ruisseau Dolon.

Toujours d’après son ami, l’hôpital de Dolon, car tel était son nom, avait semble-t‐il été fondé du temps des premières Croisades par le Comte de Savoie, et confié pour un temps aux Hospitaliers.

La maladrerie de Dolon et la chapelle connue sous le vocable Sainte Marie-Magdeleine (la sœur de Lazare que Jésus ressuscita), étaient conçues comme tant d’autres établissements pour recueillir les malades et pèlerins atteints de la lèpre, ce terrible fléau ramené d'Orient.

La pluie redoublait de violence, et Antoine Tête remonta sa capuche sur son visage déformé par la maladie.

Il arrivait tout en bas du chemin.

Aucune lumière, à part celle diffusée faiblement par la lune au travers des épais nuages, ne guidait ses pas.

Soudain il l’aperçut.

On le lui avait décrit comme l'avant-dernière étape de sa quête.

Il était là, masse sombre, constitué de simples pierres jointes enjambant le ruisseau Dolon : le pont du Petit Bon Dieu !

Maintenant il savait.

Il savait que ces innombrables nuits à marcher seul dans le froid n’étaient déjà plus que de sombres souvenirs.

A quelques pas se trouvait l’hôpital de Dolon, lieu de cure miraculeuse.

Machinalement il enfouit sa main gantée sous la robe de bure afin de s'assurer que sa bourse, contenant les trente florins nécessaires à son entrée dans la maladrerie, était toujours présente.

Il s’arrêta au milieu du pont pour mieux entendre, sous ses pieds, le rugissement de l’eau tumultueuse du Dolon à cette époque de l’année.

Face à lui, il devinait le petit chemin boisé des "Terreaux" qui le mènerait bientôt à la maladrerie salvatrice.

Le pont du Petit Bon Dieu… quel drôle de nom !

Passage ultime entre son passé heureux et son futur incertain.

Un simple pont en pierres que d’autres malheureux avaient dû franchir avant lui. Un simple pont... mais quel symbole !

L’ayant traversé, il se retourna une dernière fois. Son esprit fatigué ne put s’empêcher de vagabonder.

Plus tard… bien plus tard… si l’humanité survit à cette maudite lèpre, les générations futures prendront-elles soin de ce petit pont ?

Il remonta sur son front la capuche de toile grossière et s’enfonça lentement dans la nuit des temps…

1 ­‐ Sortes de crécelles, composée de deux languettes de bois, que le lépreux frappait violemment l’une contre l’autre pour attirer les passants et solliciter leurs aumônes.




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